Peinture : la nouvelle cuisine. C'est Bien, mais ça consiste en quoi cette nouvelle cuisine ?
Qui dit cuisine, dit forcément de recette, or en quoi est-ce nouvelle cette cuisine, si en peinture on peut parler de cuisine ? Et c'est quoi cette nouvelle cuisine ?
Pour commencer, je vous signale que mon cheminement en matière de peinture, s'inspire directement de la philosophie de Gilles Deleuze, et particulièrement de ses cours donnés à l'université de Vincennes, Paris VIII, durant les années 1980.
Or que dit Gilles Deleuze, a ce propos. Je vous rappelle qu'il a donné un cours uniquement sur la peinture, juste après celui sur Spinoza, pour que vous compreniez bien mes influences et mon inscription.
La nouvelle cuisine pour moi, c'est... D'abord en quoi elle est nouvelle cette cuisine ?
Je dis que chacun époque à ses préoccupations, ses problèmes, et ses interrogations. Gilles Deleuze nous dit:
"Je dis, aujourd’hui c’est plus le problème, ce n’est plus un problème, ... C’est la même chose en philosophie, c’est la même chose en musique, etc, et on ne peut pas dire que les œuvres qui ont répondu à tel problème soient le moins du monde dépassées mais ça explique pourquoi on les regarde d’un nouvel œil. Il y a un décentrage qui se fait. Quelque chose qui était essentiel pour le peintre qui a fait tel tableau, a cessé d’être essentiel pour nous du point de vue de la pratique si bien que notre évaluation du tableau va valoriser des choses qui n’étaient qu’en sourdine ..." Gilles Deleuze dans son cours 8 sur la peinture du 02 juin 1981. Fin de citation.
Ce decentrage, cette bifurcation est un des ingrédients du nouveau.
Il y aussi que le nouveau s'impose de lui même pour chaque époque, en fonction des crises et des problèmes qui se posent à elle. Bref, nous en parlerons une autre fois.
Donc, quel est notre problème aujourd'hui ? Pourquoi peindre et comment peindre aujourd'hui ?
Je dirais peindre pour posser son Cri , Le Cri de l'époque face à tout ça. Face aux horreurs du monde, à la monstruosité de la vie et à son étrangeté...
Quant au comment, j' y viens petit à petit.
Gilles Deleuze explique très bien dans ces fameux cours en quoi consiste les différentes recettes, des différentes époques. Je cite:
" Voyez là il y avait une espèce de succession dans le travail qui était :
- préparation du fond, épais, dans le cas de... préparation du fond épais,
- travail en pleine pâte avec déjà première position de couleur, couleur en pots avec dégradés, avec distribution des ombres et des lumières etc
- et puis troisième moment, essentiel, couleur , couleur en pâte pour mettre les accents.
Alors si j’essaie de caractériser en très gros le... le XIXè, les techniques du XIXè, - mais là je vais vraiment trop vite. Je dirais, le fond prend de moins en moins d’importance. Le travail du support en effet qu’est-ce qu’il devient ? Vous avez même des peintres qui, alors, travaillent directement la toile. Couleur sur couleur. ..." Fin de citation.
Un peu plus loin Deleuze point son analyse sur un point qui me parle beaucoup, à savoir la question de la peinture par accents, qui devient dans ma nouvelle cuisine, la question des appâts-bandes. Je site Gilles Deleuze :
" Au XIXè, si j’essayai de tout résumer ce problème du colorisme au XIXè, et bien la couleur c’est les accents, il n’y a plus que les accents. On va faire tout un monde avec ce qui, pour les autres, était les derniers accents. D’où ce que je disais la dernière fois, la hachure DELACROIX où DELACROIX présente encore le fond CARAVAGE. Mais tout est contracté, directement sur ce fond, il va faire ses hachures qui arrachent la couleur au fond. Et puis la virgule impressionniste, l’accent impressionniste, où il est un peu comme on dit dans une musique : ah bien oui, c’est les accents qui comptent. Ils découvrent que dans la couleur c’est les accents qui comptent. Dès lors ce n’est pas par hasard que c’est la petite virgule, que l’unité devient, l’unité de cet espace, devient, ou la hachure de DELACROIX, ou la virgule impressionniste, ou le petit point de SEURAT." Fin de citation de Gilles Deleuze.
Continuant à suivre Gilles Deleuze dans son analyse. Il parle de l'impressionnisme, précurseur de notre époque, car ce mouvement picturale et esthétique nous apporte beaucoup. Je cite encore une fois Gilles Deleuze :
"Ça me paraît forcé, que ça commence par une peinture à petites unités du type impressionniste puisque que, encore une fois la petite unité picturale, la virgule ou le point, c’est exactement ce qui va remplacer l’ébauche et ce qui va remplacer le travail en pleine pâte. Ça va être vraiment la constitution ponctuelle de cet espace. Ponctuel non pas que, il se fasse de point en point mais plutôt que, l’espace est alors conçu comme un réseau, un type de relation de points." Fin de citation.
Dans le même cours, Gilles Deleuze me donne l'idée du diagramme que je nomme"Brouillage Figural ". Voici la citation de Gilles Deleuze.
"Vous vous rappelez que dans mes histoires de diagramme, ..., c’est que il ne cesse pas d’osciller entre deux pôles : un pôle code, et il peut y avoir des greffes de codes sur un diagramme, il faut même qu’il y en ait, et un pôle brouillage, pur brouillage." Fin de citation.
C'est là où je place mon diagramme dit du pôle "Brouillage Figural ". Il se place dans le Pôle Brouillage mais plutôt plus près du Figural que de l'abstraction.
Plus loin, Gilles Deleuze pose les deux grandes questions qui motivent ma peinture, comme nouvelle cuisine ; à savoir celle de l'architecture et celle de l'objet. En voici le contenu :
"Mais est-ce que ça n’allait pas détruire l’architecture, l’architecture d’ensemble du tableau ? Les petites taches, les petits points, etc : comment sauver la structure ? Et c’est vrai, c’est à dire comment sauver la structure perpendiculaire, je dirais, aux séquences colorées ? Ou aux oppositions diamétrales ? Comment sauver la structure ?" Fin de citation de Gilles Deleuze.
Je récite Gilles Deleuze encore une fois :
"Deuxième problème : les petites unités elles compromettent aussi quelque chose à savoir : la forme spécifique, la forme singulière de l’objet. La forme singulière de l’objet qui risque d’éclater en fonction de cette poussière de petites unités. Pour CÉZANNE aussi, c’est un problème très vif. Il élabore toute sa théorie du point culminant, précisément pour sauver l’espèce de volume singulier de l’objet." Fin de citation
C'est à partir de ces deux passages de texte, que je viens de citer, que j' ai eu l'idée des deux raclures; Horizontale/Verticale qui structurent ce que j'appelle La Forme Ectoplastique que j'applique dans ma peinture.
Je cite Gilles Deleuze :
" Alors là on voit bien que la couleur devient structure. Quand vous mettez en couple la structure à plat, l’aplat et une bande à ruban, là alors il y a quelque chose qui se passe de proprement coloriste. Exemple : il y a des Sam FRANCIS comme ça. Un des plus grands peintres américains qui a été dans cette direction c’est [Barnett] NEWMAN qui justement, est dit à juste titre un expressionniste abstrait.
Qu’est-ce que ça donne ? Je veux dire, vous faites un aplat monochrome et vous allez introduire dans les cas de structures complexes, vous allez introduire des divisions, des secteurs. Secteurs quoi ? Secteurs soit d’une autre couleur, par exemple un aplat ( je dis n’importe quoi là) un aplat rouge et... avec un secteur violet, et vous pouvez avoir un aplat ayant plusieurs secteurs. Ou bien simplement, vous tendez à travers votre aplat un ruban d’une autre couleur : qu’est-ce qui va se passer ? Il va se passer tout un jeu. Il est monochrome. Vous pouvez introduire dans votre aplat des nuances de clair et de foncé. Ça, il y a des peintres qui l’ont fait mais ils abandonnent très vite ça. Puisque l’intérêt, c’est au contraire que l’aplat soit monochrome, et que n’y interviennent que des différences non pas de valeur, c’est-à-dire de clair/foncé, mais des différences de saturation." Fin de citation
Pour moi sauver la structure, l'architecture, par la Couleur Structure, La Couleur Aplat, monochrome du type "Le Topochrome" que je pratique dans cette nouvelle cuisine, en l'identifiant avec un Lieu (Topos) Monochrome où Monochromique.
L' Aplat-Couleur se trouve également, chez moi, à travers les Aplats-bandes ( Structure-bandes chez Gilles Deleuze).
"Aussi ça va pas, vous me direz en quoi c’est une structure, un aplat ? Si. Parce que commence à se dessiner quelque chose dont on n’est pas sorti, où notamment la peinture américaine s’est profondément enfoncée et a conquis un espace coloristique formidable, à savoir c’est une espèce de couple structure-bande. Ce qu’on pourrait appeler structure-bande ou structure-ruban. Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? Cette structure... Alors là on voit bien que la couleur devient structure" Fin de citation de Gilles Deleuze
Je termine par cette dernière citation de Gilles Deleuze :
" Au point que quand vous avez compris ces structures complexes de type structure-ruban, de type aplat-ruban, vous voulez revenir alors à une pure monochromie c’est-à-dire à un pur aplat. Et à ce moment-là, vous comprenez que de toute évidence, il fait structure. Que les différences de saturations peuvent introduire déjà en lui toute une armature, toute une structure, c’est-à-dire peuvent fonctionner comme des sections, comme des sections simplement non localisées ou comme des rubans non localisés. Ça c’est une première chose." Fin de citation
Voilà pourquoi j'utilise dans la peinture de ma nouvelle cuisine, les concepts de Topochrome, Aplats-bandes, Forme Ectoplastique, etc. Tout cela je l'ai pris, comme inspiration, des cours de Gilles Deleuze le Philosophe.
Ma Peinture comme nouvelle cuisine est un Brouillage Figural.
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